Le Bonheur, politique de prévention en Santé Publique ?

Synthèse de l’article “ Le bonheur sain : effets du bonheur sur la santé et conséquences sur la médecine préventive” (Healthy Hapiness, Effects of happiness on health and the consequences for preventive health care) de Ruut Veenhoven.
Enseignements majeurs
Il y a un alignement fort entre politique de santé et politique du bien-être, car :
- pour les populations saines, le bonheur est un bouclier contre les maladies et améliore la longévité
- la santé participe au bonheur, même si son poids est modéré. Le lien est plus fort avec la perception que l’on a de son état de santé (qu’avec sa santé réelle)
Ouvertures et orientations de la Fabrique Spinoza
- Il existe une posture de soins optimale qui est favorable au bonheur du patient. L’impact sur son bonheur étant plus lié à sa perception de sa santé qu’à son état de santé réel, nous recommandons une étude de la posture de soin optimale : une posture qui permettrait d’informer sans alarmer, qui donnerait les informations mais ne noircirait pas l’image de la santé du patient, c’est-à-dire réaliste-positive.
- Le lien de causalité fort entre bonheur et santé (dans ce sens) apporte une pierre à l’argumentaire des politiques du bonheur
- L’effet néfaste du bonheur sur la santé de certains individus imprudents ou non observants médicalement devrait inciter les praticiens médicaux à prendre en compte la posture du patient dans leur suivi de soins
- Les politiques de santé publiques, principalement de prévention, ne doivent pas être normatives, et ne doivent pas être au détriment marqué d’une qualité de vie car une telle politique fissurerait le bouclier naturel du bonheur vis-à-vis des maladies. Ces réflexions doivent être intégrées dans les réflexions sur les politiques de santé relatives à l’alcool ou à la nutrition par exemple.
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Résumé de l’article de Ruut Veenhoven
“La gaieté est la moitié de la santé” Proverbe tchèque
Le bonheur est une notion à la fois commune et difficile à définir car elle implique toujours un critère subjectif, pourtant c’est cette subjectivité qui est garante de la juste traduction de l’état mental du sujet. On peut tenter de le définir comme composé à la fois de l’hedone, ou de ce qui relève des affects, et de l’ eudaimonía, de ce qui relève de l’accomplissement des objectifs que l’on s’est fixés. Notion galvaudée, le bonheur semble bien éloigné du débat démocratique et il faut revenir aux penseurs Grecs pour trouver le bien-vivre au centre de la chose publique, comme développement naturel de cette dernière et finalité ultime de l’homme.
Ruut Veenhoven pose la question « le bonheur est-il bon pour la santé ? » en synthétisant trente études faites sur le lien entre bonheur et longévité.
Il en tire les enseignements suivants :
- L’effet du bonheur sur la santé des populations saines est très marqué. Les populations qui ne sont pas malades vivent plus longtemps du fait d’une vie heureuse; l’impact du bonheur sur leur espérance de vie est comparable au fait de fumer ou pas sur une population donnée, et le bonheur a un effet “consolidant” sur la santé.
- Pour autant, il ne permet pas de prévoir la durée de l’espérance de vie chez les populations malades, ni ne permet de soigner la maladie – certaines études montrent même qu’il favorise un mode de vie aventureux, peu compatible avec une allongement de l’espérance de vie.
- Les conséquence possibles en termes de politiques publiques sont évoquées, et se résument en trois axes : amélioration du système de santé, synergies financières entre politiques du bonheur et politiques de santé, et enfin amélioration de “l’accès“ au bonheur. Elles appellent cependant une définition plus approfondie du bonheur.
Sans reprendre l’ensemble de ses propositions, on mentionnera les plus pertinentes :
- En termes de réforme du système de santé au niveau individuel, sociétal et national, il faut responsabiliser les individus et les éduquer dans le domaine de la santé. Il faut augmenter l’efficacité des institutions, des Etats et des nations dans leurs fonctions déjà existantes en terme d’organisation et de gestion de la santé, notamment en terme de régulation.
- En termes de synergie financière, la multiplication de conseillers en “bien-être”, peut accélérer l’apparition d’un marché du bien-vivre qui pourra, à terme, améliorer le bien-être des usagers, puis par ricochet la santé des citoyens.
La corrélation entre bonheur et santé en posant cette dernière comme cause (et non l’inverse) est cependant relative, comme le montrent certaines des études utilisées. Un approfondissement de la définition du bonheur est nécessaire pour faire des propositions fécondes.
Réalisant le lien de causalité relatif de la santé sur le bonheur, Veenhoven formule des propositions complémentaires (à celles liées à la santé) dans un champ plus général au niveau individuel puis au niveau social.
- Au niveau individuel : comme critères retenus, on peut noter, 1) le fait de faire des choix de vie en étant mieux informé des conséquences de tel ou tel acte, 2) l’apprentissage de méthodes et de techniques de mieux-être et de mieux-vivre, 3) le recours aux conseils d’un thérapeute ou conseiller en bien-être;
- Au niveau social, on peut retenir certains contenus de politiques publiques, promouvant 1) une aisance matérielle minimum pour chacun, 2) la démocratie et les libertés individuelles, 3) la bonne gouvernance, l’efficacité et la transparence gouvernementale .