Easterlin 1974, visionnaire au delà du PIB

Synthèse de la recherche de Richard A. Easterlin, 1974 : « La croissance économique améliore-t-elle le sort humain ? »
Message clé
La richesse influe sur le bonheur des individus mais la relation est complexe, suffisamment complexe pour interroger les modèles de développement choisis par les nations occidentales.
Les enseignements d’Easterlin
- Le bonheur demande à être défini puis des mécanismes de mesure appropriés doivent être conçus
- Il n’y a pas de lien direct simple entre richesse et bonheur
- A l’intérieur d’un pays, les plus riches sont plus heureux
- La comparaison des pays entre eux ne fait pas apparaître de lien entre richesse et bonheur
- La question de l’impact culturel sur la vision du bonheur est à trancher
- L’escalade des attentes est un obstacle au bonheur
Ouvertures et orientations de la Fabrique Spinoza
- Easterlin est visionnaire en écrivant cet article en 1974, notamment parce qu’il identifie alors déjà les limites potentielles à la société de consommation
- Son étude est un socle essentiel pour les années 70 et appelait à des recherches complémentaires
- Des contestations se sont élevées depuis, notamment de Veenhoven, quant à l’absence de corrélation entre richesse et bonheur inter-pays
- Les corrélations entre richesse et bonheur à l’intérieur d’un pays suggèrent des mécanismes de comparaison à explorer (Senik et Clark spécialistes de ces sujets en France)
- Les recherches d’Easterlin appelaient également à réaliser des études complémentaires sur les effets longitudinaux : effet sur le bonheur d’une évolution de richesse dans la durée pour un pays
- Des apprentissages sont à faire auprès d’autres pays au niveau de bonheur élevé et dont le niveau de développement économique est moindre. Ils recèlent d’une sagesse collective qui devrait nous inspirer, même si leurs modèles s’avèreront possiblement éloignés des nôtres, donc difficiles à transposer en termes d’enseignements
- La Fabrique Spinoza est en parfait accord avec la suggestion d’Easterlin de réfléchir aux indicateurs de développement d’un pays. Dans cette lignée, et dans celle de la commission Stiglitz, nous encourageons la poursuite des recherches dans ce domaine et l’inscription de ce sujet au débat présidentiel
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Résumé de l’article
Le bonheur dans notre société
En 1974, le professeur et économiste Richard Easterlin, de l’université de Pennsylvanie, a déjà réalisé un important travail de recherche sur la place du bonheur dans notre société. Ces recherches font écho à celles du professeur Cantril, ayant réalisé un nombre significatif de sondages (panels issus de l’opinion public – USA, pays développés et émergents). Ces multiples évaluations l’ont poussé à croiser différents facteurs tels que les espoirs et les peurs engendrés par les sondés à propos de leur avenir, afin d’identifier les origines de leur bonheur et de leurs préoccupations.
Les différentes problématiques abordées par Easterlin concernent le bonheur engendré par la société mais aussi la mesure de la propension au bonheur des individus. Quelle relation au bonheur ont-ils développée ? Acceptation, préoccupation, quête ?
Données empiriques sur ce qui compte pour les individus
Alors qu’en 1974, les sociétés se développent à grand pas (queue des trente glorieuses) et changent les manières de vivre, la principale préoccupation des personnes sondées reste la santé, puis la qualité de vie et enfin de bâtir une famille heureuse.
Etre plus riche
Les préoccupations du domaine économique touchent les intéressés relativement à leurs ressources économiques, qu’ils estiment occuper une place capitale dans leur bien-être. La plupart mettent les revenus et la santé au même niveau. Les enquêtes démontrent que les plus riches sont les plus heureux. Ils aspirent à améliorer leurs conditions de vie afin de générer des marges de manœuvre pour réaliser leurs aspirations.
L’accroissement du salaire permet-il d’atteindre la satisfaction… ou l’escalade des attentes?
A cette question, les recherches montrent qu’une fois les premiers désirs satisfaits, d’autres envies insatisfaites naissent, qui finissent par créer un autre gouffre d’aspirations dans lequel les individus se jettent. Il est donc difficile, selon Easterlin, d’être totalement heureux dans une société de consommation dans laquelle les besoins sont sans cesse recréés, ne laissant aucun répit à l’individu de se complaire dans sa satisfaction tout juste acquise. Les études révèlent cependant que les plus riches ont tendance à être plus heureux.
Quel but pour nos sociétés ?
Easterlin poursuit avec l’évaluation de la place attribuée au bonheur dans nos sociétés à haut coefficient de développement.
Est ce que la croissance économique, baromètre de la productivité des pays, peut être considérée comme un indicateur de bonheur ? Où sont localisées les populations les plus heureuses de la planète ? Comment peut-on définir le bonheur dans les sociétés à haut niveau de développement ?
Selon lui, la difficulté principale de la société de consommation repose sur le fait qu’elle génère de manière continue des frustrations pour les individus.
Les phénomènes comparatifs
Easterlin analyse ensuite le rôle – dans l’absolu et en comparaison – de la richesse et de l’abondance de biens dans la qualité de vie des personnes interrogées. Il démontre que faire partie d’une catégorie de privilégiés est suffisant pour favoriser le bonheur. Le phénomène comparatif est donc puissant.
Une comparaison inter-pays
Certains peuples, sur l’échelle de satisfaction, apparaissent être significativement plus heureux que d’autres alors qu’ils possèdent des biens de consommation fort réduits en comparaison de pays plus développés. Cette réalisation suggère des liens de causalité différents entre richesse et bonheur, selon que la comparaison s’opère « intra » ou « inter » pays.
Vision d’avenir
Easterlin conclut par la nécessité de créer de nouveaux paramètres dans l’avenir pour développer nos sociétés aussi bien sur le plan social (en affinant le concept du bonheur et sa mesure) qu’en termes de croissance économique.